L’Est de la Belgique, au Pays de Herve, à quelques kilomètres de la commune des Fourons prise dans la violence des affrontements linguistiques, le monde agricole en période de mutation – s’industrialiser ou disparaître, s’adapter aux normes de la CEE ou se marginaliser –, voilà pour le paysage historique. Le paysage affectif est tout aussi dramatique, c’est la mort du père. Ces événements tragiques vont peser en même temps dans la vie d’un jeune agriculteur. Va-t-il reprendre la ferme ou décider de s’exiler en ville, s’inventer une nouvelle vie loin de ces problèmes et ces conflits, quitter le grand paysage d’Alexis, le mort, comme lui suggère sa tante, la belle Nicole Garcia, avocate à Liège ?
« Le temps du récit est le temps de sa décision, huit jours de tension et d'incertitude. La fiction est bâtie comme la métaphore d'une région qui lutte pour son identité. Inscrit dans un moment historique précis et tragique, le film est construit sur des repérages documentaires. Jean-Jacques Andrien a choisi un moment de basculement économico-politique, une période de faille, de changement, de mutation qui fait écho, en toile de fond, aux problèmes que se posent les personnages, eux aussi à la recherche de leur identité.
Construite entre le présent, le passé et le futur, la narration est conduite par la voix off du fils Droeven. Le déroulement des séquences fait alterner les gestes posés autour du décès et les souvenirs de la vie militante du père. Les séquences opposent aussi les paysans entrepreneurs et ceux qui s'enfoncent dans la préhistoire de l'agriculture ; ou encore la vie festive d'un village, avec sa fanfare et ses jeux traditionnels, et les attraits « mondains » de la ville. Depuis, le cadre institutionnel est devenu plus serein. Le film, lui, demeure. »
Jacqueline Aubenas
« Andrien prend à Dreyer cette force tranquille qui permet de composer une image à la fois solide comme la charpente d'un clocher d'autrefois et fragile comme une fleur printanière. »
Freddy Buache
« Le fait que le cinéma est un medium réaliste entrainerait inévitablement qu'il ne peut atteindre l'abstraction qu'à travers le concret. Mais Andrien -et c'est assez incroyable- réussit le contraire, faisant sentir les qualités presque tac tiles du travail à la ferme sans nous montrer une seule fois son héros toucher la terre. »
The Village Voice