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Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)
Une femme qui part, Ellen Vermeulen,
Premiere at Film Fest Gent ↓
The Jacket
Mathijs Poppe, 2024

The first feature film by Mathijs Poppe premieres at Film Fest Gent! The Jacket is a portrait of Jamal Hindawi, a Palestinian man who lives in the Shatila Refugee camp in Beirut, Lebanon. During his search for a lost theatre prop, he witnesses how the successive political and economic crises have disrupted an entire region and its people.

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Récemment ajouté ↓

Film
Floréal (Thierry De Mey, 1985)

Découvrez les cités-jardin bruxelloises Floréal à travers l’objectif d’un réalisateur qui y a passé sa jeunesse. Un court-métrage qui met en relation l’architecture et les habitants, tandis que l’architecture pré-moderniste y prend vie, rythmée par une musique entraînante.

Film
Je suis votre voisin (Karine de Villers & Thomas de Thier)

Dans une rue calme de Bruxelles, deux cinéastes rendent visite à leurs voisins. Sur le pas de leur porte, ils recueillent des histoires personnelles et des secrets de tous les jours, offrant un portrait fascinant de leur ville si diverse. 

Film
Les gens du quartier (Jean Harlez, 1955)

Au cœur des Marolles, la vie populaire garde son rythme propre. Déambulant avec son bidon sur le dos, le vieux marchand de coco sert de la limonade à la réglisse aux gens du quartier. Un document précieux sur le petit commerce bruxellois des années 1950.

Film
Les cheveux coupés (Emmanuel Marre)

Dans plusieurs chambres bruxelloises, des parents coupent les cheveux de leurs enfants. Des moments intimes entre enfants qui résistent ou qui au contraire s’abandonnent au rituel plein de tendresse, et parents qui essayent de réussir leur délicate mission.

Film
Here (Bas Devos)

Un ouvrier du bâtiment bruxellois est sur le point de partir pour la Roumanie, son pays natal. Il fait la rencontre d’une jeune belgo-chinoise qui travaille à un doctorat sur les mousses végétales. Un plaidoyer fragile pour davantage de rapprochement, au monde et aux autres.

Programme
Shorts Programme: Neighbourhoods

Ce programme de courts-métrages nous emmène en visite dans des quartiers bruxellois. Les quatre films sont des portraits de voisinage charmants et émouvants. Le programme s’étend sur une période de presque 60 ans, ce qui en fait un point de vue privilégié sur une capitale en perpétuelle transformation.

Soon Online ↑Binnenkort online ↑Bientôt en ligne ↑

Bientôt disponible ↓

Film
Apple Cider Vinegar (Sofie Benoot, 2024)
Apple Cider Vinegar
Sofie Benoot,
Film
Thumb Carry On
Carry On
Mieriën Coppens,
Film
Thumb Et leurs lettres
Et leurs lettres
Elie Maissin, Mieriën Coppens,
Film
Thumb Je, tu, il, elle
Je, tu, il, elle
Chantal Akerman,
Film
Thumb La maison
La maison
Elie Maissin, Mieriën Coppens,
Film
Ours is a Country of Words Mathijs Poppe, 2017
Ours is a Country of Words
Mathijs Poppe,

Screenings ↓Séances ↓Vertoningen ↓

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Cinéma Plaza Hotton, Hotton
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Avila, present!
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

De Cinema, Anvers
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Avila, present!
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

CC Jacques Franck, Saint-Gilles
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
→ Fase
→ Les mouettes meurent au port
Seagulls Die in the Harbour (Rik Kuypers, Ivo Michiels, Roland Verhavert, 1955)

Ce cri pessimiste de détresse urbaine retrace en images très expressionnistes l'errance d'un homme tourmenté dans la ville portuaire d'Anvers, qui ne rencontre de compréhension qu'auprès d'un orphelin et de deux femmes sans illusions.

Les mouettes meurent au port

Chef-d’œuvre du cinéma flamand

Introduction par Wouter Hessels
 

Dans la Belgique et la Flandre d’après-guerre, l’industrie cinématographique locale était pratiquement inexistante. Les salles obscures de Flandre étaient inondées de films américains. Les flamands étaient de gros consommateurs de cinéma et de grands amoureux d’Hollywood. En 1952, une mesure de soutien financier est venue stimuler la production de films belges. Entre 1953 et 1955, elle a permis la réalisation d’une douzaine de longs-métrages.  Neuf de ces douze films étaient des comédies anversoises comme Het Schipperskwartier (1953) d’Edith Kiel et Jan Vanderheyden, avec les personnalités locales Co Flower et Charles Janssens. Ces farces stéréotypées, jouées en dialecte anversois, étaient tournées en un rien de temps avec des budgets très restreints, et ont défini la production cinématographique flamande des années cinquante.

Le journaliste cinéma et présentateur de Première Roland Verhavert (1927-2014), l’écrivain et critique d’art Ivo Michiels (1923-2012) et le cinéaste expérimental Rik Kuypers (1925-2019) ont voulu réhausser la qualité du cinéma flamand autant sur le fond que la forme, et ont travaillé ensemble sur un film à propos d’un vagabond excentrique fuyant son passé tragique. Le trio avait en tête des films internationaux comme Huit Heures de Sursis (1947), Le Troisième Homme (1949) et Jeux interdits (1952). Les films de montage d’avant-garde soviétique, le réalisme poétique français, le néoréalisme italien ainsi que le film noir américain étaient pour Verhavert, Michiels et Kuypers les références cinématographiques par excellence. Avec le soutien du rédacteur en chef cinéphile de ’t Pallieterke Bruno de Winter et de nombreux hommes d’affaires anversois, ils tournent un film cosmopolite dans le cœur industriel, touristique, architectural et historique de la ville. Le rôle principal du antihéros misanthrope est incarné par le Marlon Brando flamand, Julien Schoenaerts, jeune premier du Koninklijke Nederlandse Schouwburg d’Anvers.  Face à lui, un beau casting composé de Dora van der Groen, Tine Balder, Tone Brulin et de la petite actrice Gigi. 

Le charismatique Schoenaerts, dans la peau d'un ‘Prince’ tourmenté et perdu, erre dans un Anvers atmosphérique, avec une imagerie très appuyée. Parfois existentialiste, en noir et blanc, avec des ombres longues et profondes. D'autres fois  lucide, moderniste, avec l'architecture de Renaat Braem en toile de fond. L’atmosphère visuelle très réussie, l'image texturée à plusieurs niveaux et l'excellent jeu d'acteurs sont encore renforcés par le jazz de la magnifique bande originale du musicien anversois Jack Sels. En ce sens, Les mouettes meurent au port est un parfait prélude à Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle ou À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard.  

Les mouettes meurent au port est un chef d'œuvre flamand, mais non dénué de défauts. Les dialogues sont parfois laborieux et les rebondissements ne sont pas tous plausibles. Le film fut bien reçu par la critique dans la presse cinéma belge et a été le tout premier film flamand sélectionné pour le festival de Cannes en 1956. L'historien du cinéma et journaliste français renommé Georges Sadoul fit un éloge du film nuancé. Grâce à ses sympathies communistes, environ 1000 copies des Mouettes meurent au port furent distribuées en russie soviétique. Même si le public russe aura eu à entendre un Schoenarts en version doublée.

Ivo Michiels, Roland Verhavert et Julien Schoenaerts se sont retrouvés respectivement en tant que scénariste, réalisateur et acteur dans Les Adieux (1966), un drame psychologique symboliste dans lequel l’angoisse existentielle, la solitude et le vide des Mouettes meurent au port ont été épurés. Verhavert et Michiels ont tous les deux été professeurs à l'école de cinéma et de théâtre RITCS, fondée en 1962. Rik Kuypers a réalisé d’autres films (l'expérimental De obool (1966), l’inachevé Adieu Filippi (1968) et le biopic Lieven Gevaert, eerste arbeider (1968)) avant de partir habiter au Pérou jusqu’à sa mort. Ivo Michiels a plus tard travaillé avec André Delvaux sur Met Dieric Bouts (1975) – l’un des plus beaux films d’art belges – et Femme entre chien et loup (1979). Dans les années septante et quatre-vingt, Roland Verhavert a surtout réalisé et produit des films jouant sur la nostalgie rurale flamande, comme Le Conscrit (1974), Pallieter (1975) et Boerenpsalm (1989), qui sur la forme, sont bien moins inspirés que Les mouettes meurent au port.


Wouter Hessels

Professeur d’histoire du cinéma au RITCS
Professeur d’analyse de film INSAS
Curateur cinéma du Château de Gaasbeek

Les mouettes meurent au port

Chef-d’œuvre du cinéma flamand

Introduction par Wouter Hessels
 

Dans la Belgique et la Flandre d’après-guerre, l’industrie cinématographique locale était pratiquement inexistante. Les salles obscures de Flandre étaient inondées de films américains. Les flamands étaient de gros consommateurs de cinéma et de grands amoureux d’Hollywood. En 1952, une mesure de soutien financier est venue stimuler la production de films belges. Entre 1953 et 1955, elle a permis la réalisation d’une douzaine de longs-métrages.  Neuf de ces douze films étaient des comédies anversoises comme Het Schipperskwartier (1953) d’Edith Kiel et Jan Vanderheyden, avec les personnalités locales Co Flower et Charles Janssens. Ces farces stéréotypées, jouées en dialecte anversois, étaient tournées en un rien de temps avec des budgets très restreints, et ont défini la production cinématographique flamande des années cinquante.

Le journaliste cinéma et présentateur de Première Roland Verhavert (1927-2014), l’écrivain et critique d’art Ivo Michiels (1923-2012) et le cinéaste expérimental Rik Kuypers (1925-2019) ont voulu réhausser la qualité du cinéma flamand autant sur le fond que la forme, et ont travaillé ensemble sur un film à propos d’un vagabond excentrique fuyant son passé tragique. Le trio avait en tête des films internationaux comme Huit Heures de Sursis (1947), Le Troisième Homme (1949) et Jeux interdits (1952). Les films de montage d’avant-garde soviétique, le réalisme poétique français, le néoréalisme italien ainsi que le film noir américain étaient pour Verhavert, Michiels et Kuypers les références cinématographiques par excellence. Avec le soutien du rédacteur en chef cinéphile de ’t Pallieterke Bruno de Winter et de nombreux hommes d’affaires anversois, ils tournent un film cosmopolite dans le cœur industriel, touristique, architectural et historique de la ville. Le rôle principal du antihéros misanthrope est incarné par le Marlon Brando flamand, Julien Schoenaerts, jeune premier du Koninklijke Nederlandse Schouwburg d’Anvers.  Face à lui, un beau casting composé de Dora van der Groen, Tine Balder, Tone Brulin et de la petite actrice Gigi. 

Le charismatique Schoenaerts, dans la peau d'un ‘Prince’ tourmenté et perdu, erre dans un Anvers atmosphérique, avec une imagerie très appuyée. Parfois existentialiste, en noir et blanc, avec des ombres longues et profondes. D'autres fois  lucide, moderniste, avec l'architecture de Renaat Braem en toile de fond. L’atmosphère visuelle très réussie, l'image texturée à plusieurs niveaux et l'excellent jeu d'acteurs sont encore renforcés par le jazz de la magnifique bande originale du musicien anversois Jack Sels. En ce sens, Les mouettes meurent au port est un parfait prélude à Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle ou À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard.  

Les mouettes meurent au port est un chef d'œuvre flamand, mais non dénué de défauts. Les dialogues sont parfois laborieux et les rebondissements ne sont pas tous plausibles. Le film fut bien reçu par la critique dans la presse cinéma belge et a été le tout premier film flamand sélectionné pour le festival de Cannes en 1956. L'historien du cinéma et journaliste français renommé Georges Sadoul fit un éloge du film nuancé. Grâce à ses sympathies communistes, environ 1000 copies des Mouettes meurent au port furent distribuées en russie soviétique. Même si le public russe aura eu à entendre un Schoenarts en version doublée.

Ivo Michiels, Roland Verhavert et Julien Schoenaerts se sont retrouvés respectivement en tant que scénariste, réalisateur et acteur dans Les Adieux (1966), un drame psychologique symboliste dans lequel l’angoisse existentielle, la solitude et le vide des Mouettes meurent au port ont été épurés. Verhavert et Michiels ont tous les deux été professeurs à l'école de cinéma et de théâtre RITCS, fondée en 1962. Rik Kuypers a réalisé d’autres films (l'expérimental De obool (1966), l’inachevé Adieu Filippi (1968) et le biopic Lieven Gevaert, eerste arbeider (1968)) avant de partir habiter au Pérou jusqu’à sa mort. Ivo Michiels a plus tard travaillé avec André Delvaux sur Met Dieric Bouts (1975) – l’un des plus beaux films d’art belges – et Femme entre chien et loup (1979). Dans les années septante et quatre-vingt, Roland Verhavert a surtout réalisé et produit des films jouant sur la nostalgie rurale flamande, comme Le Conscrit (1974), Pallieter (1975) et Boerenpsalm (1989), qui sur la forme, sont bien moins inspirés que Les mouettes meurent au port.


Wouter Hessels

Professeur d’histoire du cinéma au RITCS
Professeur d’analyse de film INSAS
Curateur cinéma du Château de Gaasbeek

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Soy Libre (Laure Portier, 2021)

Laure Portier, cinéaste, suit son petit frère Arnaud dans une quête de liberté et d'identité sur près de dix ans. Après une enfance turbulente, Arnaud doit faire face à un destin tracé d'avance. Un portrait intime et émouvant d'un esprit en lutte, explorant les liens familiaux et le pouvoir émancipateur du cinéma.

Soy libre 

Introduction par Tillo Huygelen 


Dans Soy Libre (2021), Laure Portier livre un compte-rendu de la dizaine d’années qu’elle a passé à la recherche d’Arnaud, son frère cadet. Après une jeunesse tumultueuse, Arnaud est parti en quête d’une vie libre. Ce qui le conduira de France jusqu’en Espagne, et qui l’amènera finalement en Amérique du Sud. Soy Libre est le deuxième film de Portier, après Dans l'œil du chien (2019), un court-métrage documentaire qui suit sa grand-mère. Les deux films sont en étroite relation, et vont même jusqu’à s’entrecroiser : Arnaud apparaît dans son premier film pour la première fois devant la caméra. Les deux films reposent sur une histoire familiale profonde et complexe. 

En 2012, tout juste diplômée de l’INSAS, Portier va chercher son frère qui venait de sortir de prison, avec la proposition de faire un film ensemble. Portier menait une vie bien différente de celle d’Arnaud. Elle faisait des études d’art, qui l’ont amenée dans un milieu social artistique, alors que son frère a suivi un parcours social bien différent; il est perdu et recherche un nouvel hébergement. Dans une interview à Sabzian, Portier explique que Soy Libre a pour but de créer “un cadre ou un mouvement” pour Arnaud. Elle considère son film comme une manière de “venger” son frère, de lui donner la possibilité de revendiquer un endroit quelque part dans le monde, quelle que soit son origine sociale. Le titre, qui signifie “je suis libre”, veut donc aussi dire “je suis ici” – une quête d’affirmation de soi. “Peut-être que la vision de sa vie lui a donné le courage d’aller vers autre chose. Enfin, j’en suis certaine. Je crois que c’est la seule chose dont parle le film : pouvoir se réinventer soi-même,” dit encore Portier. En ce sens, le film est un espace que se partagent un frère et une sœur : Arnaud tourne également des images lorsqu’il est à l’étranger, et les envoie à sa sœur. L’échange qui en ressort renforce sa quête. Arnaud se filme dans toutes sortes d’endroits, parfois dans des situations précaires : une plage, une manifestation, en train de dormir sur un banc dans un parc la nuit. Ses images sont un signe de vie, autant pour sa sœur que pour lui-même. “Pour ne pas perdre la tête”, il doit toucher le monde et le changer. Il doit sentir qu’il est présent. Il vole, il détruit, il vit dans un monde sans interdit, et il documente tout. Enfin, il fait aussi des dessins qui, dans le film, montrent une autre image de son univers intérieur.

Dans le film, frère et soeur se font face non seulement en tant que membres d’une famille, mais aussi en tant que filmeur et filmé. La question de la responsabilité d’une grande sœur envers son petit frère se reflète dans la tension entre cinéaste documentaire et sujet. Dans Soy Libre, Portier se heurte aux limites du portrait documentaire. Saisir Arnaud en une seule image uniforme et exhaustive se révèlera un vain espoir au long du film. En tant qu’”objet” de documentaire, Arnaud s’échappe constamment de toute représentation définitive. Arnaud entre et sort du cadre en permanence, jouant parfois à un cache-cache filmique avec sa sœur. Plus le film avance, plus elle devient une spectatrice extérieure de son monde. “Est-ce que je gâche ta vie en la filmant ?”, lui demande-t-elle à un moment. Arnaud se laisse littéralement dériver de l’image; la caméra dérange perturbe sa relation à son nouvel environnement, et le cadre filmique n’est plus le bienvenu. 

Portier ne se force pas à dissimuler l’artificialité de son film : le jeu est mis en place des deux côtés. “Je crois que j’utilise le mot ‘sincère’ dans le film. Le ‘vrai’ m’importe peu, et encore moins quand il s’agit de cinéma. Le film, c’est l’endroit où l’on se rencontre, un espace commun, un moyen de nous transcender, au-delà de notre propre réflexion sur le monde et notre propre condition.” Au début de Soy Libre, Arnaud dévale la route à toute vitesse en scooter avec sa sœur à l’arrière, caméra à l’épaule. Vitesse qui la met audiblement à rude épreuve. Elle doit continuer à filmer son frère, garder la caméra droite, faire la mise au point. La scène résume bien ce que Soy Libre met en jeu. Tout comme Arnaud se déplace dans l’espace physique, il se déplace dans le cadre filmique, se réinventant constamment et façonnant à volonté la manière dont il apparaît à l’image. Le souhait de Portier n’est pas de comprendre Arnaud. Après tout, la compréhension n’est qu’un autre cadre imposé. “Pour moi, c’est le corps qui doit réagir avant l’esprit : si mon corps l’a compris, le reste suivra.” Soy Libre est une invitation à accompagner Arnaud dans sa quête de liberté, et la tentative d’une sœur de le suivre.
 

Tillo Huygelen  

Cinéaste 
Rédacteur et collaborateur artistique Sabzian

Soy libre 

Introduction par Tillo Huygelen 


Dans Soy Libre (2021), Laure Portier livre un compte-rendu de la dizaine d’années qu’elle a passé à la recherche d’Arnaud, son frère cadet. Après une jeunesse tumultueuse, Arnaud est parti en quête d’une vie libre. Ce qui le conduira de France jusqu’en Espagne, et qui l’amènera finalement en Amérique du Sud. Soy Libre est le deuxième film de Portier, après Dans l'œil du chien (2019), un court-métrage documentaire qui suit sa grand-mère. Les deux films sont en étroite relation, et vont même jusqu’à s’entrecroiser : Arnaud apparaît dans son premier film pour la première fois devant la caméra. Les deux films reposent sur une histoire familiale profonde et complexe. 

En 2012, tout juste diplômée de l’INSAS, Portier va chercher son frère qui venait de sortir de prison, avec la proposition de faire un film ensemble. Portier menait une vie bien différente de celle d’Arnaud. Elle faisait des études d’art, qui l’ont amenée dans un milieu social artistique, alors que son frère a suivi un parcours social bien différent; il est perdu et recherche un nouvel hébergement. Dans une interview à Sabzian, Portier explique que Soy Libre a pour but de créer “un cadre ou un mouvement” pour Arnaud. Elle considère son film comme une manière de “venger” son frère, de lui donner la possibilité de revendiquer un endroit quelque part dans le monde, quelle que soit son origine sociale. Le titre, qui signifie “je suis libre”, veut donc aussi dire “je suis ici” – une quête d’affirmation de soi. “Peut-être que la vision de sa vie lui a donné le courage d’aller vers autre chose. Enfin, j’en suis certaine. Je crois que c’est la seule chose dont parle le film : pouvoir se réinventer soi-même,” dit encore Portier. En ce sens, le film est un espace que se partagent un frère et une sœur : Arnaud tourne également des images lorsqu’il est à l’étranger, et les envoie à sa sœur. L’échange qui en ressort renforce sa quête. Arnaud se filme dans toutes sortes d’endroits, parfois dans des situations précaires : une plage, une manifestation, en train de dormir sur un banc dans un parc la nuit. Ses images sont un signe de vie, autant pour sa sœur que pour lui-même. “Pour ne pas perdre la tête”, il doit toucher le monde et le changer. Il doit sentir qu’il est présent. Il vole, il détruit, il vit dans un monde sans interdit, et il documente tout. Enfin, il fait aussi des dessins qui, dans le film, montrent une autre image de son univers intérieur.

Dans le film, frère et soeur se font face non seulement en tant que membres d’une famille, mais aussi en tant que filmeur et filmé. La question de la responsabilité d’une grande sœur envers son petit frère se reflète dans la tension entre cinéaste documentaire et sujet. Dans Soy Libre, Portier se heurte aux limites du portrait documentaire. Saisir Arnaud en une seule image uniforme et exhaustive se révèlera un vain espoir au long du film. En tant qu’”objet” de documentaire, Arnaud s’échappe constamment de toute représentation définitive. Arnaud entre et sort du cadre en permanence, jouant parfois à un cache-cache filmique avec sa sœur. Plus le film avance, plus elle devient une spectatrice extérieure de son monde. “Est-ce que je gâche ta vie en la filmant ?”, lui demande-t-elle à un moment. Arnaud se laisse littéralement dériver de l’image; la caméra dérange perturbe sa relation à son nouvel environnement, et le cadre filmique n’est plus le bienvenu. 

Portier ne se force pas à dissimuler l’artificialité de son film : le jeu est mis en place des deux côtés. “Je crois que j’utilise le mot ‘sincère’ dans le film. Le ‘vrai’ m’importe peu, et encore moins quand il s’agit de cinéma. Le film, c’est l’endroit où l’on se rencontre, un espace commun, un moyen de nous transcender, au-delà de notre propre réflexion sur le monde et notre propre condition.” Au début de Soy Libre, Arnaud dévale la route à toute vitesse en scooter avec sa sœur à l’arrière, caméra à l’épaule. Vitesse qui la met audiblement à rude épreuve. Elle doit continuer à filmer son frère, garder la caméra droite, faire la mise au point. La scène résume bien ce que Soy Libre met en jeu. Tout comme Arnaud se déplace dans l’espace physique, il se déplace dans le cadre filmique, se réinventant constamment et façonnant à volonté la manière dont il apparaît à l’image. Le souhait de Portier n’est pas de comprendre Arnaud. Après tout, la compréhension n’est qu’un autre cadre imposé. “Pour moi, c’est le corps qui doit réagir avant l’esprit : si mon corps l’a compris, le reste suivra.” Soy Libre est une invitation à accompagner Arnaud dans sa quête de liberté, et la tentative d’une sœur de le suivre.
 

Tillo Huygelen  

Cinéaste 
Rédacteur et collaborateur artistique Sabzian

CC Braine-l'Alleud, Braine-l'Alleud
+ Q&A avec Laure Portier
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Cinema LUX - Altérités, Caen
+ Introduit par Anna Dupleix-Marchal
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→ Ma'loul fête sa destruction
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Branden (Lisette Ma Neza, 2024)

Un poème collectif sur les patries qui brûlent, sur le feu et la fumée des conflits armés. Une conversation avec cinq femmes à propos de partir et (ne jamais vraiment) arriver. Une ode à la femme déracinée.

Branden

Texte d’introduction par Nina de Vroome   

 

Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres.  Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel.  Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.

Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.

Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.

Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.

Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement. 

Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».

 

Nina de Vroome,

Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian

Branden

Texte d’introduction par Nina de Vroome   

 

Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres.  Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel.  Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.

Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.

Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.

Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.

Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement. 

Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».

 

Nina de Vroome,

Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian

→ The Jacket
The Jacket (Mathijs Poppe, 2024)

Jamal Hindawi est palestinien et vit avec sa famille dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth, où il fait du théâtre politique. Il entreprend un voyage pour chercher un important accessoire de théâtre perdu et réalise à quel point les crises politiques et économiques successives ont bouleversé la région et ses habitants.

→ The Jacket
The Jacket (Mathijs Poppe, 2024)

Jamal Hindawi est palestinien et vit avec sa famille dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth, où il fait du théâtre politique. Il entreprend un voyage pour chercher un important accessoire de théâtre perdu et réalise à quel point les crises politiques et économiques successives ont bouleversé la région et ses habitants.

→ Apple Cider Vinegar
Natuurpunt Jabbeke, Jabbeke
+ Q&A avec Sofie Benoot
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Primé à En ville ! ↓
Kouté vwa
Maxime Jean-Baptiste, 2024

Kouté vwa de Maxime Jean-Baptiste a remporté le prix SCAM au Festival En ville !. Ce film suit Melrick, un adolescent de treize ans, passe ses vacances d'été chez sa grand-mère Nicole, à Cayenne, en Guyane. Son désir d'apprendre à jouer du tambour fait resurgir le spectre de Lucas, son oncle, mort dans des circonstances tragiques onze ans plus tôt.

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Soy Libre
Laure Portier, 2021

Laure Portier, cinéaste, suit son petit frère Arnaud dans une quête de liberté et d'identité sur près de dix ans. Après une enfance turbulente, Arnaud doit faire face à un destin tracé d'avance. Un portrait intime et émouvant d'un esprit en lutte, explorant les liens familiaux et le pouvoir émancipateur du cinéma.

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Film
Floréal (Thierry De Mey, 1985)

Découvrez les cités-jardin bruxelloises Floréal à travers l’objectif d’un réalisateur qui y a passé sa jeunesse. Un court-métrage qui met en relation l’architecture et les habitants, tandis que l’architecture pré-moderniste y prend vie, rythmée par une musique entraînante.

Film
Je suis votre voisin (Karine de Villers & Thomas de Thier)

Dans une rue calme de Bruxelles, deux cinéastes rendent visite à leurs voisins. Sur le pas de leur porte, ils recueillent des histoires personnelles et des secrets de tous les jours, offrant un portrait fascinant de leur ville si diverse. 

Film
Les gens du quartier (Jean Harlez, 1955)

Au cœur des Marolles, la vie populaire garde son rythme propre. Déambulant avec son bidon sur le dos, le vieux marchand de coco sert de la limonade à la réglisse aux gens du quartier. Un document précieux sur le petit commerce bruxellois des années 1950.

Film
Les cheveux coupés (Emmanuel Marre)

Dans plusieurs chambres bruxelloises, des parents coupent les cheveux de leurs enfants. Des moments intimes entre enfants qui résistent ou qui au contraire s’abandonnent au rituel plein de tendresse, et parents qui essayent de réussir leur délicate mission.

Film
Here (Bas Devos)

Un ouvrier du bâtiment bruxellois est sur le point de partir pour la Roumanie, son pays natal. Il fait la rencontre d’une jeune belgo-chinoise qui travaille à un doctorat sur les mousses végétales. Un plaidoyer fragile pour davantage de rapprochement, au monde et aux autres.

Programme
Shorts Programme: Neighbourhoods

Ce programme de courts-métrages nous emmène en visite dans des quartiers bruxellois. Les quatre films sont des portraits de voisinage charmants et émouvants. Le programme s’étend sur une période de presque 60 ans, ce qui en fait un point de vue privilégié sur une capitale en perpétuelle transformation.

Soon Online ↑Binnenkort online ↑Bientôt en ligne ↑

Bientôt disponible ↓

Film
Apple Cider Vinegar (Sofie Benoot, 2024)
Apple Cider Vinegar
Sofie Benoot,
Film
Thumb Carry On
Carry On
Mieriën Coppens,
Film
Thumb Et leurs lettres
Et leurs lettres
Elie Maissin, Mieriën Coppens,
Film
Thumb Je, tu, il, elle
Je, tu, il, elle
Chantal Akerman,
Film
Thumb La maison
La maison
Elie Maissin, Mieriën Coppens,
Film
Ours is a Country of Words Mathijs Poppe, 2017
Ours is a Country of Words
Mathijs Poppe,
AgendaAgendaAgenda

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En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Cinéma Plaza Hotton, Hotton
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Avila, present!
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

En salle
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

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De Cinema, Anvers
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
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Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Avila, present!
→ Une femme qui part
Forbidden Pilgrimage (Ellen Vermeulen, 2024)

En 1952 Marie-Louise Chapelle devient la première femme française à grimper un sommet inexploré de l’Himalaya. Des années plus tard, la réalisatrice Ellen Vermeulen suit ses traces. Les ambitions personnelles, les restrictions sociales et la complexité d’être une femme sont au coeur de ce voyage intime à travers des paysages enneigés.

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

Une femme qui part

Texte d’introduction par Dagmar Teurelincx   

 

Ellen Vermeulen (1982) est réalisatrice, chercheuse et professeure. Son travail se caractérise par un regard critique et une exploration en profondeur des structures sociétales. Avec 9999 (2014), elle a réalisé un documentaire sur l’internement dans la prison de Merksplas qui fut même projeté à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Elle a filmé Catch-19to25 (2016) sur le Reno, bateau d’accueil de réfugiés, inspirée par la théorie des rouages d’Hannah Arendt. Et dans son film sur des enfants avec des besoins éducatifs spécifiques, Inclusief (2018), elle montre même un regard critique sur le système. 

Dans son nouveau documentaire, Une femme qui part, Vermeulen se concentre plus que jamais autour d’une quête intime et personnelle. Elle s’intéresse à Marie-Louise Chapelle, première femme a avoir gravi un sommet inexploré de l’Himalaya en 1952. À cet escient, Chapelle menait une double vie. Pendant six mois, elle était une mère et une épouse, et elle passait ensuite le restant de l’année en haute montagne. Dans son journal intime, elle décrit son combat intérieur et les tensions entre ces deux mondes : “Il y a toujours quelque chose qui te manque.” Septante ans plus tard, la réalisatrice refait cette ascension précise de l’Himalaya, guidée par près de vingt ans de recherches sur les archives de Chapelle. Tandis que la voix de Chapelle résonne à travers les lettres et les journaux intimes, Vermeulen formule ses propres pensées et désirs, transformant le film en un dialogue entre les deux femmes. L’exploration du combat intérieur de Chapelle ​​révèle rapidement des parallèles avec la propre vie de Vermeulen. Alors qu’elle dévoile les désirs de Chapelle, elle se confronte à ses propres questionnements existentiels : “Je ne peux plus éluder la question : une vie avec enfant, ou une vie sans ?” L’histoire transforme un portrait biographique en une exploration introspective des choix et des limites qui sont imposés aux femmes.

Dans Une femme qui part, les images d’archives, tournées pendant l’expédition de Chapelle en 1952, se mélangent avec des nouvelles images filmées en grande partie par Vermeulen, assistée de son preneur de son. L'ambiguïté de la source amène le spectateur à se perdre dans des histoires (présumées). Quel récit tirons-nous des archives de Chapelle ? Quelle romance croyons-nous déceler entre la femme et son compagnon de cordée ? Quelles histoires lisons-nous entre les lignes ? Comment évaluer sa relation avec ses enfants, qui étaient privés d’elle la moitié de l’année ? La rencontre de Vermeulen avec Chapelle montre les limites de l’interprétation de la vie des autres. Une femme qui part est une tentative de rapprochement, non seulement dans l’espace, mais surtout dans le temps, avec cette femme qui reste toujours vague sur sa vie personnelle dans ses journaux intimes. Alors qu'ils se traînent dans la neige fondante, le guide de Vermeulen, Boris, remarque que c’est comme s’ils s’enfonçaient dans le temps. Lorsqu’elle approche le sommet, la distance entre Vermeulen et Chapelle s’estompe. “Pour la montagne, nous sommes des contemporaines et nous nous tenons ici ensemble”, dit Vermeulen. 

Mais Une femme qui part est plus qu’une quête personnelle. Là où, pour Chapelle, les montagnes ont été un refuge qui lui permettaient de prendre temporairement de la distance avec son couple et avec la vie de famille qui en découle, des années plus tard, elles constituent tout d’abord un moyen de survie pour les 25 porteurs locaux qui guident Vermeulen. Lors d'une pause, ils demandent si Vermeulen ne peut pas leur offrir du travail dans “son pays”. Ce court instant met à nu le malaise tendu de toute l’expédition : un désir personnel pour la montagne se heurte à la réalité des inégalités sociétales qui peuvent limiter de tels désirs. Chapelle fut aussi confrontée à des limites similaires : à 5200m d’altitude, ses compagnons de cordée masculins décident de continuer sans elle. Une femme au sommet réduirait la montagne à une colline, à “une montagne à vaches”. 

La montagne, qui semblait si massive de premier abord, dévoile en fin de compte sa volatilité. À cause du recul des glaciers, le parcours emprunté par Chapelle en 1952 ne peut plus être remonté dans son entièreté. Le temps a changé la montagne. Le double rôle de Vermeulen en tant que cinéaste et alpiniste rend l'ascension d'autant plus difficile. Ses images deviennent de plus en plus instables au fur et à mesure que le trek progresse. Vermeulen ne parvient pas à déchiffrer Chapelle. 

Petit à petit, Une femme qui part devient un film sur les frontières : entre des époques infranchissables, des désirs contradictoires et des choix impossibles – en particulier pour les femmes. La recherche de Vermeulen des traces laissées par Chapelle, et surtout des non-dits douloureux qu'elles contiennent, se termine sur un ajout dans les archives tout aussi énigmatique.

 

Dagmar Teurelincx

Spécialiste théâtre et cinéma, écrivaine, responsable de communication Hiros

CC Jacques Franck, Saint-Gilles
+ Q&A avec Ellen Vermeulen
→ Fase
→ Les mouettes meurent au port
Seagulls Die in the Harbour (Rik Kuypers, Ivo Michiels, Roland Verhavert, 1955)

Ce cri pessimiste de détresse urbaine retrace en images très expressionnistes l'errance d'un homme tourmenté dans la ville portuaire d'Anvers, qui ne rencontre de compréhension qu'auprès d'un orphelin et de deux femmes sans illusions.

Les mouettes meurent au port

Chef-d’œuvre du cinéma flamand

Introduction par Wouter Hessels
 

Dans la Belgique et la Flandre d’après-guerre, l’industrie cinématographique locale était pratiquement inexistante. Les salles obscures de Flandre étaient inondées de films américains. Les flamands étaient de gros consommateurs de cinéma et de grands amoureux d’Hollywood. En 1952, une mesure de soutien financier est venue stimuler la production de films belges. Entre 1953 et 1955, elle a permis la réalisation d’une douzaine de longs-métrages.  Neuf de ces douze films étaient des comédies anversoises comme Het Schipperskwartier (1953) d’Edith Kiel et Jan Vanderheyden, avec les personnalités locales Co Flower et Charles Janssens. Ces farces stéréotypées, jouées en dialecte anversois, étaient tournées en un rien de temps avec des budgets très restreints, et ont défini la production cinématographique flamande des années cinquante.

Le journaliste cinéma et présentateur de Première Roland Verhavert (1927-2014), l’écrivain et critique d’art Ivo Michiels (1923-2012) et le cinéaste expérimental Rik Kuypers (1925-2019) ont voulu réhausser la qualité du cinéma flamand autant sur le fond que la forme, et ont travaillé ensemble sur un film à propos d’un vagabond excentrique fuyant son passé tragique. Le trio avait en tête des films internationaux comme Huit Heures de Sursis (1947), Le Troisième Homme (1949) et Jeux interdits (1952). Les films de montage d’avant-garde soviétique, le réalisme poétique français, le néoréalisme italien ainsi que le film noir américain étaient pour Verhavert, Michiels et Kuypers les références cinématographiques par excellence. Avec le soutien du rédacteur en chef cinéphile de ’t Pallieterke Bruno de Winter et de nombreux hommes d’affaires anversois, ils tournent un film cosmopolite dans le cœur industriel, touristique, architectural et historique de la ville. Le rôle principal du antihéros misanthrope est incarné par le Marlon Brando flamand, Julien Schoenaerts, jeune premier du Koninklijke Nederlandse Schouwburg d’Anvers.  Face à lui, un beau casting composé de Dora van der Groen, Tine Balder, Tone Brulin et de la petite actrice Gigi. 

Le charismatique Schoenaerts, dans la peau d'un ‘Prince’ tourmenté et perdu, erre dans un Anvers atmosphérique, avec une imagerie très appuyée. Parfois existentialiste, en noir et blanc, avec des ombres longues et profondes. D'autres fois  lucide, moderniste, avec l'architecture de Renaat Braem en toile de fond. L’atmosphère visuelle très réussie, l'image texturée à plusieurs niveaux et l'excellent jeu d'acteurs sont encore renforcés par le jazz de la magnifique bande originale du musicien anversois Jack Sels. En ce sens, Les mouettes meurent au port est un parfait prélude à Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle ou À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard.  

Les mouettes meurent au port est un chef d'œuvre flamand, mais non dénué de défauts. Les dialogues sont parfois laborieux et les rebondissements ne sont pas tous plausibles. Le film fut bien reçu par la critique dans la presse cinéma belge et a été le tout premier film flamand sélectionné pour le festival de Cannes en 1956. L'historien du cinéma et journaliste français renommé Georges Sadoul fit un éloge du film nuancé. Grâce à ses sympathies communistes, environ 1000 copies des Mouettes meurent au port furent distribuées en russie soviétique. Même si le public russe aura eu à entendre un Schoenarts en version doublée.

Ivo Michiels, Roland Verhavert et Julien Schoenaerts se sont retrouvés respectivement en tant que scénariste, réalisateur et acteur dans Les Adieux (1966), un drame psychologique symboliste dans lequel l’angoisse existentielle, la solitude et le vide des Mouettes meurent au port ont été épurés. Verhavert et Michiels ont tous les deux été professeurs à l'école de cinéma et de théâtre RITCS, fondée en 1962. Rik Kuypers a réalisé d’autres films (l'expérimental De obool (1966), l’inachevé Adieu Filippi (1968) et le biopic Lieven Gevaert, eerste arbeider (1968)) avant de partir habiter au Pérou jusqu’à sa mort. Ivo Michiels a plus tard travaillé avec André Delvaux sur Met Dieric Bouts (1975) – l’un des plus beaux films d’art belges – et Femme entre chien et loup (1979). Dans les années septante et quatre-vingt, Roland Verhavert a surtout réalisé et produit des films jouant sur la nostalgie rurale flamande, comme Le Conscrit (1974), Pallieter (1975) et Boerenpsalm (1989), qui sur la forme, sont bien moins inspirés que Les mouettes meurent au port.


Wouter Hessels

Professeur d’histoire du cinéma au RITCS
Professeur d’analyse de film INSAS
Curateur cinéma du Château de Gaasbeek

Les mouettes meurent au port

Chef-d’œuvre du cinéma flamand

Introduction par Wouter Hessels
 

Dans la Belgique et la Flandre d’après-guerre, l’industrie cinématographique locale était pratiquement inexistante. Les salles obscures de Flandre étaient inondées de films américains. Les flamands étaient de gros consommateurs de cinéma et de grands amoureux d’Hollywood. En 1952, une mesure de soutien financier est venue stimuler la production de films belges. Entre 1953 et 1955, elle a permis la réalisation d’une douzaine de longs-métrages.  Neuf de ces douze films étaient des comédies anversoises comme Het Schipperskwartier (1953) d’Edith Kiel et Jan Vanderheyden, avec les personnalités locales Co Flower et Charles Janssens. Ces farces stéréotypées, jouées en dialecte anversois, étaient tournées en un rien de temps avec des budgets très restreints, et ont défini la production cinématographique flamande des années cinquante.

Le journaliste cinéma et présentateur de Première Roland Verhavert (1927-2014), l’écrivain et critique d’art Ivo Michiels (1923-2012) et le cinéaste expérimental Rik Kuypers (1925-2019) ont voulu réhausser la qualité du cinéma flamand autant sur le fond que la forme, et ont travaillé ensemble sur un film à propos d’un vagabond excentrique fuyant son passé tragique. Le trio avait en tête des films internationaux comme Huit Heures de Sursis (1947), Le Troisième Homme (1949) et Jeux interdits (1952). Les films de montage d’avant-garde soviétique, le réalisme poétique français, le néoréalisme italien ainsi que le film noir américain étaient pour Verhavert, Michiels et Kuypers les références cinématographiques par excellence. Avec le soutien du rédacteur en chef cinéphile de ’t Pallieterke Bruno de Winter et de nombreux hommes d’affaires anversois, ils tournent un film cosmopolite dans le cœur industriel, touristique, architectural et historique de la ville. Le rôle principal du antihéros misanthrope est incarné par le Marlon Brando flamand, Julien Schoenaerts, jeune premier du Koninklijke Nederlandse Schouwburg d’Anvers.  Face à lui, un beau casting composé de Dora van der Groen, Tine Balder, Tone Brulin et de la petite actrice Gigi. 

Le charismatique Schoenaerts, dans la peau d'un ‘Prince’ tourmenté et perdu, erre dans un Anvers atmosphérique, avec une imagerie très appuyée. Parfois existentialiste, en noir et blanc, avec des ombres longues et profondes. D'autres fois  lucide, moderniste, avec l'architecture de Renaat Braem en toile de fond. L’atmosphère visuelle très réussie, l'image texturée à plusieurs niveaux et l'excellent jeu d'acteurs sont encore renforcés par le jazz de la magnifique bande originale du musicien anversois Jack Sels. En ce sens, Les mouettes meurent au port est un parfait prélude à Ascenseur pour l’échafaud (1958) de Louis Malle ou À bout de souffle (1960) de Jean-Luc Godard.  

Les mouettes meurent au port est un chef d'œuvre flamand, mais non dénué de défauts. Les dialogues sont parfois laborieux et les rebondissements ne sont pas tous plausibles. Le film fut bien reçu par la critique dans la presse cinéma belge et a été le tout premier film flamand sélectionné pour le festival de Cannes en 1956. L'historien du cinéma et journaliste français renommé Georges Sadoul fit un éloge du film nuancé. Grâce à ses sympathies communistes, environ 1000 copies des Mouettes meurent au port furent distribuées en russie soviétique. Même si le public russe aura eu à entendre un Schoenarts en version doublée.

Ivo Michiels, Roland Verhavert et Julien Schoenaerts se sont retrouvés respectivement en tant que scénariste, réalisateur et acteur dans Les Adieux (1966), un drame psychologique symboliste dans lequel l’angoisse existentielle, la solitude et le vide des Mouettes meurent au port ont été épurés. Verhavert et Michiels ont tous les deux été professeurs à l'école de cinéma et de théâtre RITCS, fondée en 1962. Rik Kuypers a réalisé d’autres films (l'expérimental De obool (1966), l’inachevé Adieu Filippi (1968) et le biopic Lieven Gevaert, eerste arbeider (1968)) avant de partir habiter au Pérou jusqu’à sa mort. Ivo Michiels a plus tard travaillé avec André Delvaux sur Met Dieric Bouts (1975) – l’un des plus beaux films d’art belges – et Femme entre chien et loup (1979). Dans les années septante et quatre-vingt, Roland Verhavert a surtout réalisé et produit des films jouant sur la nostalgie rurale flamande, comme Le Conscrit (1974), Pallieter (1975) et Boerenpsalm (1989), qui sur la forme, sont bien moins inspirés que Les mouettes meurent au port.


Wouter Hessels

Professeur d’histoire du cinéma au RITCS
Professeur d’analyse de film INSAS
Curateur cinéma du Château de Gaasbeek

→ Mitten
Cinema ZED STUK, Louvain
+ Projection en boucle (14h-18h)
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→ Soy Libre
Soy Libre (Laure Portier, 2021)

Laure Portier, cinéaste, suit son petit frère Arnaud dans une quête de liberté et d'identité sur près de dix ans. Après une enfance turbulente, Arnaud doit faire face à un destin tracé d'avance. Un portrait intime et émouvant d'un esprit en lutte, explorant les liens familiaux et le pouvoir émancipateur du cinéma.

Soy libre 

Introduction par Tillo Huygelen 


Dans Soy Libre (2021), Laure Portier livre un compte-rendu de la dizaine d’années qu’elle a passé à la recherche d’Arnaud, son frère cadet. Après une jeunesse tumultueuse, Arnaud est parti en quête d’une vie libre. Ce qui le conduira de France jusqu’en Espagne, et qui l’amènera finalement en Amérique du Sud. Soy Libre est le deuxième film de Portier, après Dans l'œil du chien (2019), un court-métrage documentaire qui suit sa grand-mère. Les deux films sont en étroite relation, et vont même jusqu’à s’entrecroiser : Arnaud apparaît dans son premier film pour la première fois devant la caméra. Les deux films reposent sur une histoire familiale profonde et complexe. 

En 2012, tout juste diplômée de l’INSAS, Portier va chercher son frère qui venait de sortir de prison, avec la proposition de faire un film ensemble. Portier menait une vie bien différente de celle d’Arnaud. Elle faisait des études d’art, qui l’ont amenée dans un milieu social artistique, alors que son frère a suivi un parcours social bien différent; il est perdu et recherche un nouvel hébergement. Dans une interview à Sabzian, Portier explique que Soy Libre a pour but de créer “un cadre ou un mouvement” pour Arnaud. Elle considère son film comme une manière de “venger” son frère, de lui donner la possibilité de revendiquer un endroit quelque part dans le monde, quelle que soit son origine sociale. Le titre, qui signifie “je suis libre”, veut donc aussi dire “je suis ici” – une quête d’affirmation de soi. “Peut-être que la vision de sa vie lui a donné le courage d’aller vers autre chose. Enfin, j’en suis certaine. Je crois que c’est la seule chose dont parle le film : pouvoir se réinventer soi-même,” dit encore Portier. En ce sens, le film est un espace que se partagent un frère et une sœur : Arnaud tourne également des images lorsqu’il est à l’étranger, et les envoie à sa sœur. L’échange qui en ressort renforce sa quête. Arnaud se filme dans toutes sortes d’endroits, parfois dans des situations précaires : une plage, une manifestation, en train de dormir sur un banc dans un parc la nuit. Ses images sont un signe de vie, autant pour sa sœur que pour lui-même. “Pour ne pas perdre la tête”, il doit toucher le monde et le changer. Il doit sentir qu’il est présent. Il vole, il détruit, il vit dans un monde sans interdit, et il documente tout. Enfin, il fait aussi des dessins qui, dans le film, montrent une autre image de son univers intérieur.

Dans le film, frère et soeur se font face non seulement en tant que membres d’une famille, mais aussi en tant que filmeur et filmé. La question de la responsabilité d’une grande sœur envers son petit frère se reflète dans la tension entre cinéaste documentaire et sujet. Dans Soy Libre, Portier se heurte aux limites du portrait documentaire. Saisir Arnaud en une seule image uniforme et exhaustive se révèlera un vain espoir au long du film. En tant qu’”objet” de documentaire, Arnaud s’échappe constamment de toute représentation définitive. Arnaud entre et sort du cadre en permanence, jouant parfois à un cache-cache filmique avec sa sœur. Plus le film avance, plus elle devient une spectatrice extérieure de son monde. “Est-ce que je gâche ta vie en la filmant ?”, lui demande-t-elle à un moment. Arnaud se laisse littéralement dériver de l’image; la caméra dérange perturbe sa relation à son nouvel environnement, et le cadre filmique n’est plus le bienvenu. 

Portier ne se force pas à dissimuler l’artificialité de son film : le jeu est mis en place des deux côtés. “Je crois que j’utilise le mot ‘sincère’ dans le film. Le ‘vrai’ m’importe peu, et encore moins quand il s’agit de cinéma. Le film, c’est l’endroit où l’on se rencontre, un espace commun, un moyen de nous transcender, au-delà de notre propre réflexion sur le monde et notre propre condition.” Au début de Soy Libre, Arnaud dévale la route à toute vitesse en scooter avec sa sœur à l’arrière, caméra à l’épaule. Vitesse qui la met audiblement à rude épreuve. Elle doit continuer à filmer son frère, garder la caméra droite, faire la mise au point. La scène résume bien ce que Soy Libre met en jeu. Tout comme Arnaud se déplace dans l’espace physique, il se déplace dans le cadre filmique, se réinventant constamment et façonnant à volonté la manière dont il apparaît à l’image. Le souhait de Portier n’est pas de comprendre Arnaud. Après tout, la compréhension n’est qu’un autre cadre imposé. “Pour moi, c’est le corps qui doit réagir avant l’esprit : si mon corps l’a compris, le reste suivra.” Soy Libre est une invitation à accompagner Arnaud dans sa quête de liberté, et la tentative d’une sœur de le suivre.
 

Tillo Huygelen  

Cinéaste 
Rédacteur et collaborateur artistique Sabzian

Soy libre 

Introduction par Tillo Huygelen 


Dans Soy Libre (2021), Laure Portier livre un compte-rendu de la dizaine d’années qu’elle a passé à la recherche d’Arnaud, son frère cadet. Après une jeunesse tumultueuse, Arnaud est parti en quête d’une vie libre. Ce qui le conduira de France jusqu’en Espagne, et qui l’amènera finalement en Amérique du Sud. Soy Libre est le deuxième film de Portier, après Dans l'œil du chien (2019), un court-métrage documentaire qui suit sa grand-mère. Les deux films sont en étroite relation, et vont même jusqu’à s’entrecroiser : Arnaud apparaît dans son premier film pour la première fois devant la caméra. Les deux films reposent sur une histoire familiale profonde et complexe. 

En 2012, tout juste diplômée de l’INSAS, Portier va chercher son frère qui venait de sortir de prison, avec la proposition de faire un film ensemble. Portier menait une vie bien différente de celle d’Arnaud. Elle faisait des études d’art, qui l’ont amenée dans un milieu social artistique, alors que son frère a suivi un parcours social bien différent; il est perdu et recherche un nouvel hébergement. Dans une interview à Sabzian, Portier explique que Soy Libre a pour but de créer “un cadre ou un mouvement” pour Arnaud. Elle considère son film comme une manière de “venger” son frère, de lui donner la possibilité de revendiquer un endroit quelque part dans le monde, quelle que soit son origine sociale. Le titre, qui signifie “je suis libre”, veut donc aussi dire “je suis ici” – une quête d’affirmation de soi. “Peut-être que la vision de sa vie lui a donné le courage d’aller vers autre chose. Enfin, j’en suis certaine. Je crois que c’est la seule chose dont parle le film : pouvoir se réinventer soi-même,” dit encore Portier. En ce sens, le film est un espace que se partagent un frère et une sœur : Arnaud tourne également des images lorsqu’il est à l’étranger, et les envoie à sa sœur. L’échange qui en ressort renforce sa quête. Arnaud se filme dans toutes sortes d’endroits, parfois dans des situations précaires : une plage, une manifestation, en train de dormir sur un banc dans un parc la nuit. Ses images sont un signe de vie, autant pour sa sœur que pour lui-même. “Pour ne pas perdre la tête”, il doit toucher le monde et le changer. Il doit sentir qu’il est présent. Il vole, il détruit, il vit dans un monde sans interdit, et il documente tout. Enfin, il fait aussi des dessins qui, dans le film, montrent une autre image de son univers intérieur.

Dans le film, frère et soeur se font face non seulement en tant que membres d’une famille, mais aussi en tant que filmeur et filmé. La question de la responsabilité d’une grande sœur envers son petit frère se reflète dans la tension entre cinéaste documentaire et sujet. Dans Soy Libre, Portier se heurte aux limites du portrait documentaire. Saisir Arnaud en une seule image uniforme et exhaustive se révèlera un vain espoir au long du film. En tant qu’”objet” de documentaire, Arnaud s’échappe constamment de toute représentation définitive. Arnaud entre et sort du cadre en permanence, jouant parfois à un cache-cache filmique avec sa sœur. Plus le film avance, plus elle devient une spectatrice extérieure de son monde. “Est-ce que je gâche ta vie en la filmant ?”, lui demande-t-elle à un moment. Arnaud se laisse littéralement dériver de l’image; la caméra dérange perturbe sa relation à son nouvel environnement, et le cadre filmique n’est plus le bienvenu. 

Portier ne se force pas à dissimuler l’artificialité de son film : le jeu est mis en place des deux côtés. “Je crois que j’utilise le mot ‘sincère’ dans le film. Le ‘vrai’ m’importe peu, et encore moins quand il s’agit de cinéma. Le film, c’est l’endroit où l’on se rencontre, un espace commun, un moyen de nous transcender, au-delà de notre propre réflexion sur le monde et notre propre condition.” Au début de Soy Libre, Arnaud dévale la route à toute vitesse en scooter avec sa sœur à l’arrière, caméra à l’épaule. Vitesse qui la met audiblement à rude épreuve. Elle doit continuer à filmer son frère, garder la caméra droite, faire la mise au point. La scène résume bien ce que Soy Libre met en jeu. Tout comme Arnaud se déplace dans l’espace physique, il se déplace dans le cadre filmique, se réinventant constamment et façonnant à volonté la manière dont il apparaît à l’image. Le souhait de Portier n’est pas de comprendre Arnaud. Après tout, la compréhension n’est qu’un autre cadre imposé. “Pour moi, c’est le corps qui doit réagir avant l’esprit : si mon corps l’a compris, le reste suivra.” Soy Libre est une invitation à accompagner Arnaud dans sa quête de liberté, et la tentative d’une sœur de le suivre.
 

Tillo Huygelen  

Cinéaste 
Rédacteur et collaborateur artistique Sabzian

CC Braine-l'Alleud, Braine-l'Alleud
+ Q&A avec Laure Portier
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Cinema LUX - Altérités, Caen
+ Introduit par Anna Dupleix-Marchal
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Branden (Lisette Ma Neza, 2024)

Un poème collectif sur les patries qui brûlent, sur le feu et la fumée des conflits armés. Une conversation avec cinq femmes à propos de partir et (ne jamais vraiment) arriver. Une ode à la femme déracinée.

Branden

Texte d’introduction par Nina de Vroome   

 

Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres.  Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel.  Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.

Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.

Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.

Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.

Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement. 

Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».

 

Nina de Vroome,

Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian

Branden

Texte d’introduction par Nina de Vroome   

 

Lisette Ma Neza (1997) est originaire des Pays-Bas et est venue à Bruxelles pour étudier le cinéma à LUCA School of Arts, où elle a réalisé son film de fin d’étude Branden. En 2024, elle a été nommée toute première poétesse officielle de la ville de Bruxelles. Sa pratique artistique est un essai permanent de se traduire elle-même et les autres.  Elle s’intéresse à la vie et aux émotions des déracinés, des survivants de la violence, des Africains en Europe, des diasporas, des femmes. Cette recherche aboutit à des essais poétiques, de l’art de la parole, des films et du théâtre, comme avec sa pièce The Weight of a Woman. Trente ans après le génocide au Rwanda, d’où sa famille est originaire, elle y réfléchit à la valeur de la vie après la violence à un niveau personnel ou universel.  Elle s'adresse à ses grands-mères lorsqu'elle soulève ces questions, et se demande comment nous pouvons pardonner à nous-mêmes et aux autres.

Dans son film Branden aussi, elle s’adresse à sa grand-mère. Une femme incarnant une grande histoire qui est observée avec tendresse pendant qu’elle tricote. Elle raconte l’histoire d’un soldat rwandais découragé qui rangeait son fusil sur son épaule alors qu’il n’avait plus de munitions. Elle se glisse dans son rôle en plaçant son aiguille à tricoter contre son épaule comme une arme. Derrière la caméra, Ma Neza réagit aux gestes de sa grand-mère. D’autres femmes prennent également la parole : sa voisine et ses amies parlent à sa caméra. Elles ne parlent pas d’une manière ordinaire, mais elles réfléchissent ensemble, et s’attardent sur des souvenirs marquants. Phrase après phrase, elles tentent de retracer une histoire, sur qui “nous” sommes. « Nous sommes les gens d’après le voyage. Nous sommes le sol mouillé après la pluie. » Branden devient ainsi un poème collectif, dans lequel Ma Neza et ses interlocutrices trouvent ensemble des mots pour exprimer leurs expériences. Leurs mots crient l’embrasement de leurs pays natals, le feu et la fumée des conflits armés. Mais il y a aussi la chaleur de l’amitié, de l’amour et l’accueil d’une nouvelle vie.

Dans une interview à Kortfilm avec l’écrivaine et artiste Margot De Grave Loyson, Ma Neza raconte comment les conversations dans le film ont pris forme. « Je veux parler de sujets difficiles. Mais demander à ma grand-mère de parler de la façon dont elle s'est enfuie à l'époque n'est pas évident du tout. En donnant une forme poétique à mes questions — ‘qui étiez-vous’, ‘que voyiez-vous’ — j’ai tout de même réussi à en parler sans que cela devienne trop douloureux. » Le langage prenant une intensité poétique, les conversations peuvent alors exprimer des expériences intimes. Ainsi, la jeune voisine se rappelle de « beaucoup de matelas » pendant une étape sur la route de l’Europe. Ce détail n’est qu’une discrète évocation des dangers et des épreuves qu’elle a dû affronter avec sa famille, donnant ainsi au langage une intensité poétique.

Ma Neza se qualifie elle-même de poétesse avec une caméra. Elle filme souvent des images de sa vie quotidienne, avec un petit caméscope ou simplement avec son téléphone. Elle a ainsi construit une archive, une collection de souvenirs et d’impressions qu’elle a assemblé dans le montage de Branden, en quête d’expressivité. Les mots sont prononcés, et apparaissent également sous forme de texte dans les images. La poésie devient ainsi une composition d'images, mais aussi une manière de parler et de s'écouter.

Les interlocutrices de Ma Neza regardent droit dans la caméra. Ils s’adressent à la réalisatrice, mais aussi au public, qui se sent bienvenu dans son rôle de témoin de leur expériences et de leurs souvenirs. L’amie qui vient d’Afghanistan raconte son expérience d’arrivée aux Pays-Bas lorsqu’elle était enfant ainsi: « Nous sommes les enfants qui étaient tellement occupés à s'adapter que nous avons oublié que nous nous étions enfuis. » Dans ce film, elles se retrouvent à travers leur histoire similaire, qui est une expérience universelle de déracinement. 

Ma Neza raconte que son film cherche à relier les histoires de toutes les femmes dont les racines sont ailleurs qui essaient de se sentir chez elles, même si ce n'est pas toujours facile. Ce sont des femmes fortes, et malgré tout, il y a toujours de l'espoir. Selon Ma Neza, « pour moi, Branden représente un feu qui ne s'éteint jamais. Cela me rappelle un vers d'un poème d'Alfred Schaffer : “J'étais un corps sombre que l'on pouvait éteindre, mais je brûlais quand même” ».

 

Nina de Vroome,

Réalisatrice, écrivaine et rédactrice du magazine de cinéma belge Sabzian

→ The Jacket
The Jacket (Mathijs Poppe, 2024)

Jamal Hindawi est palestinien et vit avec sa famille dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth, où il fait du théâtre politique. Il entreprend un voyage pour chercher un important accessoire de théâtre perdu et réalise à quel point les crises politiques et économiques successives ont bouleversé la région et ses habitants.

→ The Jacket
The Jacket (Mathijs Poppe, 2024)

Jamal Hindawi est palestinien et vit avec sa famille dans le camp de réfugiés de Chatila à Beyrouth, où il fait du théâtre politique. Il entreprend un voyage pour chercher un important accessoire de théâtre perdu et réalise à quel point les crises politiques et économiques successives ont bouleversé la région et ses habitants.

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