Cinquante ans après son assassinat, Patrice Lumumba, Premier ministre du nouveau Congo indépendant, revient hanter la Belgique. À travers des commémorations, des rencontres et un retour sur place, un haut fonctionnaire belge qui était présent à Elisabethville ce jour tragique du 17 janvier 1961 tente d’exorciser les fantômes du passé. Sur la mélodie de la Passion selon Saint Jean de J.S. Bach, Spectres nous plonge dans une des pages les plus sombres de la décolonisation du Congo belge. Interrogation sur le corps biopolitique, ce long métrage expose les ambivalences de l'historiographie et la question traumatisante de la responsabilité et de la dette.
« Les gens pensent voir un film sur l’assassinat de Patrice Lumumba, mais je dois toujours leur rappeler que le titre est Spectres. Comme j’ai déjà expliqué, le film est le résultat d’un processus et d’une tentative de conjurer les spectres en question, même si cela s’avère impossible. »
Sven Augustijnen
« Les spectres évoqués, ce sont ceux des autorités de l’époque qui semblent, aujourd’hui encore, au pouvoir, mais également ceux des rêves de l’Indépendance. Regard accusateur porté sur son pays natal, mise à distance de la mémoire pour en faire une parabole de l’Histoire, alors que la parole semble encore bien vivante, voire activatrice : c’est autour de cette écriture paradoxale, entre tentative de réparation et mise en exergue de la culpabilité du peuple dominant, que se compose ce document, porté par la Passion selon Saint Jean de J. S. Bach. Des fantômes pour repenser le présent. »
Emmanuelle Lequeux
« Bien que j’aie une grande passion pour le cinéma et le documentaire, la méthodologie de réalisation du film est probablement plus proche de celle de la performance ou du situationnisme. Je pense qu’on pourrait même dire que sa méthodologie faisait partie intégrante du concept du projet, c’est-à-dire que « tourner » était une manière de tenter de « conjurer les spectres ». Bien que les revenants du passé reviennent toujours, et que l’impossibilité de la conjuration est donc inscrite dans la conception même du « spectre », il reste pertinent d’essayer et alors cet état de tournage quasi permanent est nécessaire. Les images, et le film, sont comme le résidu de ce processus. »
Sven Augustijnen
« Le film fonctionne surtout comme un écran de projection des spectres de chaque spectateur. »
Sven Augustijnen