Le 25 mai 2011, le prestigieux Ballet de l’Opéra national de Paris a présenté pour la première fois une chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker, Rain. Les cinéastes Olivia Rochette et Gerard-Jan Claes ont suivi les répétitions, des auditions à la première. Le documentaire se concentre sur la manière dont De Keersmaeker et les danseurs de Rosas transmettent le vocabulaire gestuel de la chorégraphe à ces danseurs de formation classique. La rigidité du ballet cède la place à une autre forme de rigueur, à savoir la trame mathématique de Rain, qui recèle toutefois une importante dimension émotionnelle. Un documentaire poétique à propos de la recherche, du regard et du doute au sein de l’espace parfois oppressant de l’opéra.
« À la demande de l’Opéra de Paris, Anne Teresa De Keersmaeker accepte de monter à nouveau Rain (2001), dont la gestuelle contemporaine paraît a priori étrangère à l’illustre compagnie française. Familiers du travail de la chorégraphe qui leur a déjà commandé des captations, les réalisateurs partagent avec elle un goût de la rigueur et de la sensualité. En l’occurrence, sobriété documentaire et discrètes incursions romanesques, comme lorsque, faisant fi de la chronologie et des règles de la compagnie de l’Opéra (filmer, d’accord, mais pas une seule personne), la caméra s’attarde sur la beauté gracile de l’une des ballerines. Le montage alterne ainsi des régimes d’images différents : vidéo de la première création de Rain que consulte parfois la troupe, plans de caméras de surveillance de l’Opéra, conversations téléphoniques de la chorégraphe... Le film se fait rideau, semblable à la frange minimale et ondoyante du décor de Rain à Paris. Par ce qu’elle soustrait au regard, cette forme fragmentaire suggère qu’au-delà du travail technique d’apprentissage des pas, une appropriation plus mystérieuse a lieu. Une transmission visible seulement, peut-être, dans le présent vivant de la performance. »
Charlotte Garson
