Une nuit donc à Bruxelles. Une nuit d’été et d'orages. Jusqu’à l’aube, des hommes et des femmes, dans la moiteur, l’énervement de la chaleur, vivent, rêvent ou rencontrent l’amour. La solitude aussi, la passion parfois. Le temps est comme suspendu, magnifié par le désir et l’attente. Il faut qu’il se passe quelque chose ce soir-là. Alors s’organise comme un ballet, un puzzle, un chassé-croisé. Chantal Akerman nous propose des “fragments de discours amoureux”, des morceaux de roman. Une dizaine de couples amorcent, terminent ou continuent une histoire de cœur qui se lit au travers de signes simples et forts, comme dans les chansons de Piaf. Il y a les taxis et les gares, les coups de téléphone, les chambres d’hôtel, les valises faites à la hâte, les draps froissés. Les partenaires font trois petits tours et puis s’en vont. Des coups de foudre fracassent les couples, des vérités claquent comme des coups de revolver.
« Plusieurs spectateurs se sentent choqués par la représentation brute que je fais de l’amour, par une représentation qui ne passe pas à travers le gla- cis hollywoodien. Beaucoup de gens se défendent de leur émotion en se fixant sur des détails qu’ils jugent sordides: par exemple, un pantalon mal coupé dans une séquence où l’on voit un couple danser comme si c’était la dernière fois suffit à rompre le charme. Mais quel charme ? J’ai tenté d’appréhender l’amour sans regarder à travers une vitre… »
Chantal Akerman
« Il ne s’agit pas d’une histoire linéaire mais de fragments d’histoires rassemblées par une nuit d’été très chaude. Pour la première fois, me semble-t-il, j’insiste sur la violence des sentiments amoureux. Le film y gagne une vivacité, une effervescence qui sont pour moi choses nouvelles. À dire vrai, je m’interroge sur la représentation des gestes que l’on fait lorsqu’on est amoureux. Chacun se fait une image de l’amour et toute sa vie, il tente de correspondre à cette image. »
Chantal Akerman
« Là, le roman-photo rencontre le cinéma d’avant garde. On retrouve les constantes du style d’Akerman : plans fixes, cadrages très géométriques, séquences longues, acteurs qui jouent juste mais un peu décalé; ils semblent avoir un rapport plus intense avec leur vérité qu’avec la réalité. Trois danses rythment le film, seuls passages musicaux dans une bande “son” faite de bruits et de rares dialogues. Le cinéma de Chantal Akerman appartient par son langage à l modernité (avec le cut, l’étirement du temps, la liberté des personnages, la déconstruction du récit), tout en s’appuyant sur une sensibilité qui explore l’universel du romanesque. »
Jacqueline Aubenas