Ce documentaire dépeint la situation précaire des migrants mexicains qui tentent de franchir la frontière avec l'Amérique. Guidée par leurs expériences, Akerman se rend dans le désert de Sonoran, où elle interroge des patrouilleurs frontaliers et des habitants de la région. Avec sa sincérité habituelle et son regard incisif, Akerman saisit la dure réalité dans laquelle les espoirs des migrants pour une vie meilleure se heurtent à une dure vérité. Soulignant la relation étroite entre les individus et les lieux, ce film brosse un remarquable tableau de l’éprouvante situation des migrants mexicains.
« À l’origine, le projet n’était pas lié à l’idée de frontière mais à un mot. J’avais lu un article sur les ranchers américains, qui chassent les clandestins avec des magnums et des lunettes de visée nocturne. Ils disaient que les Mexicains amenaient de la saleté. C’était le mot « dirt ». Tout de suite, j’ai pensé « dirty Jews », sale Juif, sale Arabe… Ensuite, je suis partie en repérage et j’ai découvert cette ville-frontière, Aguaprieta, qui, comme lieu de cinéma, me parlait vraiment. Finalement, dans le film, il reste très peu de choses sur les ranchers. J’en suis venu à me dire que la frontière était beaucoup plus importante que cette histoire atroce. »
Chantal Akerman
« De l’autre côté est donc, en plus de l’exploration d’une frontière monstrueuse, un film frontière en soi : entre docu et fiction, déchirures personnelles et Histoire, contemplation et précision informative. Dans ces alternatives, il n’y a nulle pose de la part d’Akerman, mais l’expression d’une méthode et d’une morale. Un événement réel doit être toujours raconté, puis confirmé par l’image, cette grande muette. »
Olivier Joyard
« N'étant d'aucun bord, Chantal Akerman joue de cette ligne de démarcation comme d'un scalpel pour, à même la chair de ceux qui se font face, pratiquer une autopsie critique de ce qui en profondeur anime les groupes en présence. Résolument étrangère aux partis pris simplistes, elle confronte Mexicains et Américains, jouant de leurs êtres et de leurs paroles comme d'un miroir à multiples faces, pour mieux faire surgir des lieux et des paysages, les tensions et les mirages qui nourrissent autant les rêves que les angoisses de ceux qui sont, qu'ils le veuillent ou non, emprisonnés quelque part. »
Philippe Simon